Une partie de la France en colère est-elle en passe de basculer vers un phénomène à la QAnon ?

Alors que les Gilets jaunes puis la pandémie et la vaccination ont déjà poussé à une polarisation extrême sur les réseaux sociaux, la guerre en Ukraine accentue encore les galaxies où l’on ne croit plus aux « vérités officielles ».

Par Helen Lee Bouygues et François-Bernard Huyghe

Parution le 8/04/2022

©XAVIER LEOTY / AFP

Atlantico : Depuis le début du conflit en Ukraine, et à plus forte raison suite au massacre de nombreux civils ukrianiens par l’armée russe, de nombreuses personnes pro-Russes semblent s’enfoncer dans une sorte de réalité parallèle, accusant les Ukrainiens d’avoir eux-même massacré leur population pour accuser les troupes russes. Comment expliquer ce phénomène ? Quelle est son ampleur ?

Helen Lee Bouygues : Nous avions effectivement l’intuition que les éléments de langage du Kremlin avaient une certaine portée en France donc nous avons testé les principaux arguments utilisés par Vladimir Poutine pour justifier la guerre en Ukraine auprès des Français avec l’IFOP. Le résultat est assez saisissant puisque plus de la moitié des Français soutiennent au moins une thèse du Kremlin ayant justifié la guerre en Ukraine. Par exemple, l’affirmation selon laquelle le gouvernement ukrainien serait une « junte infiltrée par des mouvements néonazis » est soutenue par 10% des Français, l’idée selon laquelle l’intervention militaire russe y serait « justifiée » au nom de la sécurité de la Russie est partagée par 22% des Français ou encore la thèse selon laquelle son action y serait soutenue par des russophones victimes de « discriminations et d’agressions de la part des autorités ukrainiennes » (23%). La Fondation Reboot constate la montée en puissance de ces stratégies de désinformation depuis plusieurs années, d’abord aux États-Unis, puis en France. Le développement des plateformes de réseaux sociaux, les messageries instantanées et plus généralement l’utilisation de plus en plus forte d’Internet pour s’informer contribuent à cette désinformation. Avec la guerre en Ukraine, on a vu grâce aux médias sociaux, des concepts gagnaient en légitimité et que des personnalités médiatiques les ont repris et en ont fait la promotion à des heures de grande écoutes sur les médias traditionnels contribuant à la pénétration de ces idées auprès du plus grand nombre à une vitesse très rapide.

Article paru dans ATLANTICO